MARINE LE PEN SANCTIONNE UN CADRE DU FN APRÈS SES PROPOS SUR L'ISLAM

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L'eurodéputé Aymeric Chauprade n'est plus conseiller aux affaires internationales après la diffusion d'une vidéo dans laquelle il évoque une "cinquième colonne" au sujet des musulmans. Plus un problème de forme que de fond, reconnaît-on au FN.


Le chef de la délégation FN au Parlement européen Aymeric Chauprade, le 18 mai 2014 à Paris


Comme la candidate FN dans le Doubs Sophie Montel qui dit "marcher sur des oeufs" quand elle évoque les attentats, Marine Le Pen se veut prudente. Quitte à hausser le ton contre ceux qui, sur un sujet que ses proches reconnaissent "sensible", ne marchent pas suffisamment sur du velours.


Lundi, elle a reconnu sur France Inter que l'eurodéputé Aymeric Chauprade n'était plus son "conseiller aux affaires internationales" depuis "un certain nombre de jours". En cause, une vidéo controversée, intitulée "La France est en guerre".


Un membre du bureau politique "comme 45 autres personnes"

Dans cette vidéo de plus de dix minutes, Aymeric Chauprade affirme que "la France est en guerre avec des musulmans, pas avec les musulmans, mais avec des musulmans". D'après lui, en France, "le vivier du terrorisme islamique, ça veut dire du passage à l'acte djihadique, est énorme, il est de l'ordre du million, ce qui ne veut pas dire que nous ayons un million de terroristes potentiels sur notre sol, mais ce qui veut dire qu'une cinquième colonne puissante vit chez nous et peut à tout moment se retourner contre nous en cas de confrontation générale". "On nous dit qu'une majorité de musulmans est pacifique, certes. Mais une majorité d'Allemands l'étaient avant 1933 et le national-socialisme."


Aymeric Chauprade reste toutefois membre du bureau politique, "comme 45 autres personnes", relativise Marine Le Pen, ainsi que chef de la délégation du FN au Parlement européen. "Il en fallait un."

Une précédente démarche solitaire au cours de l'été

"C'est avant tout une question de méthode, confie à L'Express un important cadre du parti. Il avait dit qu'il lui transmettrait des éléments de langage pour validation avant toute publication. Mais il ne l'a pas fait." Sur le fond du discours, la direction se dit d'accord "avec 90% de ce que dit Aymeric". "Le questionnement sur l'islam, comme sur d'autres religions, est légitime. Mais quand on dit qu'il pose problème, il faut préciser certaines choses pour ne pas laisser paraître qu'à nos yeux, chaque musulman est un danger potentiel", indique à L'Express une source proche de Marine Le Pen.


C'est donc avant tout la démarche solitaire d'Aymeric Chauprade qui est sanctionnée. Une punition qui est d'autant moins surprenante que l'eurodéputé n'en est pas à son coup d'essai. Au coeur de l'été, il publiait un "manifeste pour une nouvelle politique internationale de la France" dans lequel ce russophile théorisait la lutte prioritaire contre le fondamentalisme sunnite au profit d'un rapprochement avec Israël.


Il ne fallait pas "qu'il recommence"


"Aymeric Chauprade a exprimé dans cette tribune sa version personnelle de la situation, ce qui est évidemment son droit légitime mais qui n'engage pas le FN", avait vertement réagi début septembre Marine Le Pen. Un recadrage d'autant plus spectaculaire que l'eurodéputé s'était félicité, auprès de L'Express, d'avoir reçu un e-mail de félicitations de la présidente du FN pour sa tribune.

"Chauprade a voulu se singulariser et se rééquilibrer par rapport à ses propos sur le 11 septembre [il a mis en cause la version officielle des autorités américaines]. Marine Le Pen lui a dit: tu t'exprimes si tu veux mais pas au nom du parti", confiait à L'Express en octobre un dirigeant du FN. "Il ne faut pas qu'il recommence." Ce qu'il a visiblement fait.


D'autres conseillers dans le viseur de Marine Le Pen

Fatiguée de voir que plusieurs conseilleurs utilisaient leur titre pour s'exprimer, Marine Le Pen aurait annoncé, lors du dernier Congrès, qu'elle n'en aurait plus officiellement. "Tous ces gens phosphoreront gentiment dans les comités d'action présidentielle mais ne pourront plus se prévaloir d'un organigramme", explique un proche de Marine Le Pen. Dans le collimateur également, Bertrand Dutheil de La Rochère, ancien "conseiller à la laïcité, qui a énervé certains récemment en défendant le maintien du parvis Georges Marchais à Villejuif.


Samedi, dans Le Monde, Jean-Marie Le Pen a toutefois pris la défense d'Aymeric Chauprade, estimant que ce qu'il dit dans sa vidéo est "tout à fait juste et intelligent". Le FN n'est pas un parti stalinien où on est obligé de dire tout ce que dit Marine Le Pen ou Philippot". "C'est pourtant exactement ce qui se passait quand il dirigeait le parti", fait remarquer à L'Express un proche de Marine Le Pen.


Repris de l’express du 19/1/2015