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Une communication du MIL

TROTSKISME, UN LIVRE SUR LES TROTSKISTES


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Trotskisme. Histoires secrètes. De Lambert à Mélenchon.

Des trois courants historiques du trotskisme français, celui incarné par le Parti ouvrier indépendant (POI) et le Parti ouvrier indépendant démocratique (POID) est certainement le plus secret, le moins connu du grand public. Il n’est pas le plus vieux. Ce privilège revient à Lutte ouvrière dont l’ancienne porte-parole Arlette Laguiller a brigué six fois la fonction suprême entre 1974 et 2007. Il n’est pas non plus le seul issu de la Ligue communiste créée en France sur instruction de Trotski en 1930. Cette prérogative est partagée avec le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) qui procède de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) de feu Alain Krivine. Il est par contre le seul à avoir aussi souvent changé d’appellation, si bien que raconter son histoire depuis sa création en 1952 est une vraie gageure.


C’est pourtant la tâche à laquelle se sont attelés deux journalistes, Laurent Mauduit et Denis Sieffert, eux-mêmes anciens militants de ce courant alors qu’il était représenté par l’Organisation communiste internationaliste (OCI) entre 1965 et 1981. Les raisons qui ont poussé les deux compères, qui ne sont pas des inconnus (l’un est cofondateur de Mediapart et l’autre dirige l’hebdomadaire Politis) à écrire cet ouvrage sont expliquées en son début et ne sont pas des plus convaincantes : « … combler [un] vide éditorial et percer les mystères de cette organisation.» Ne s’agissait-il pas plutôt de régler des comptes ? Peu importe. Il en résulte un livre en deux parties qui intéressera autant les férus d’histoire politique pour sa première partie (Aux origines) que ceux qui voudront se faire une idée plus précise de la personnalité de certains de ceux qui sont passés par cette mouvance (Les héritiers) au premier rang desquels l’un des ténors de la politique française : Jean-Luc Mélenchon.


Même si l’on sent de l’amertume sous la plume de nos deux auteurs (il est vrai que le bilan du trotskisme français est bien maigre - «le rêve était fou»), le livre est écrit sans acrimonie (sauf peut-être quand il s’agit d’évoquer  Vincent Bolloré et CNews «la chambre d’écho de toutes les thématiques racistes ou xénophobe», ou «l’assassinat» (sic) du jeune Nahel.  Les portraits n’en restent pas moins sans complaisance. À commencer par celui de Pierre Boussel, alias Pierre Lambert (Pépé mégot pour ses suiveurs), celui qui a donné son nom à ce courant (le lambertisme), «un prince occulte de la politique» pour Philippe Campinchi (dans Les lambertistes, un courant trotskiste français - Balland – septembre 2000), un «magouillard» à la tête d’une PME pour ses contempteurs. Un homme discret dans tous les cas qui n’est sorti de l’ombre qu’en 1988 lorsqu’il se présenta à la présidentielle et réalisa le score pathétique de 0,38 %. Antistalinien viscéral au comportement stalinien spontané, adepte du centralisme démocratique sans la démocratie et maladivement antipabliste - du nom de Michel Raptis alia Pablo qui en 1952 préconisait l’entrée des trotskistes au Parti communiste français - «pabliste» étant à la fois une insulte et la bonne excuse pour exclure du mouvement tous «les agents provocateurs» et autres «coupables de lèse-Lambert», le personnage est décrit par les auteurs comme un homme «Ni brillant intellectuellement ni impressionnant […] mais séducteur à sa façon, et changeant au point qu’on ne savait jamais quel Lambert on allait trouver en face de soi». Finalement un homme aux antipodes de l’image qu’on s’en faisait de l’autre bord mais qui à force d’intrigues a réussi à tenir sa boutique d’une main ferme pendant au moins 50 ans.


Le livre est riche d’autres portraits de militants présentés sympathiquement parfois (Boris Fraenkel, Claude Bernard alias Raoul, Pierre Broué…), de façon «saignante» - et méritée nous semble-t-il (on pense en particulier à celui de Jean-Christophe Cambadelis un «aventurier de la politique sans principe ni éthique, par surcroit multi-condamné…») d’autres fois. Celui qui fait l’objet du plus long développement (plus de 130 pages) est Jean-Luc Mélenchon. Car lui aussi, comme bien d’autres est passé par le lambertisme (son pseudo était «Santerre») et en a apparemment gardé tous les réflexes.


L’homme n’est pas sympathique, et même dangereux - pour la cohésion sociale - pour beaucoup. Le portrait qu’en font les auteurs n’est pas de nature à rassurer. On savait Jean-Luc Mélenchon coléreux, outrancier, égocentrique («la République, c’est moi») son portrait revisité à l’aune du lambertisme le rend un peu plus inquiétant. Car les auteurs au travers de nombreux épisodes établissent ce qui pour eux n’était qu’une intuition alors qu’ils projetaient d’écrire le livre : «la filiation politique entre Lambert et Mélenchon». Au-delà de ses fréquentes sorties de route (celles à l’égard de la presse sont rappelées dans quelques pages dédiées), c’est la relation «plutôt distendue» avec la démocratie, la conception particulière de la République, l’aversion pour la presse (de laquelle il sait pourtant magnifiquement se servir), l’admiration à peine dissimulée pour toutes sortes de dictateurs et de là son autoritarisme, qui est mis en lumière. On ne résiste pas à reproduire deux citations du Chavez français trouvées dans le livre ; celle relative à la démocratie : «le prochain qui prononce ce mot devant moi je l’extermine» et celle à propos de sa définition de la République : «La France est une construction purement politique : elle n’est soudée ni par la langue, ni par une appartenance ethnique, ni par une religion, ni par une couleur de peau. Elle est le fruit d’un pacte civique. Ce pacte se fonde sur les principes issus de la grande Révolution de 1789». 


La parenté Lambert-Mélenchon n’est pas douteuse. Elle est bien étayée par les auteurs qui notent dans leur conclusion qu’elle «conduit aujourd’hui à un désastre…». Nous partageons leur avis en ce qui concerne la France et les Français. C’est pourquoi nous conseillons la lecture de ce livre à tous nos jeunes amis qui ne connaissent du trotskisme que «la tête de ceux d’en face» et également à ceux que l’idée saugrenue de voter Mélenchon pourrait un jour effleurer. 


Trotskisme. Histoires secrètes. De Lambert à Mélenchon.

Laurent Mauduit et Denis Sieffert - Les petits matins - Janvier 2024


Texte repris du journal de l’Union Nationale Inter-Universitaire (UNI) «L’action universitaire».