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VI­GILANCE & AC­TION - N° 370  MARS-AVRIL 2018

 

MAI 1968 - L’INSURRECTION GAUCHO-COMMUNISTE RATÉE

 

Communication du MIL du 27 février 2018


Les manifestations, émeutes, incendies, grèves, occupations de bâtiments publics, violences faites aux personnes, etc. ayant eu lieu en mai 1968, puis la réaction gaulliste et républicaine du 30 mai au 30 juin 1968 et, enfin, les conséquences politiques de ce printemps dans les années qui suivirent, constituent aujourd’hui, cinquante ans plus tard, des éléments de l’Histoire de France.


Des centaines de livres ont eu l’occasion de présenter les faits de tous les points de vue et sous tous les aspects. Le livre de Raymond Aron : «La Révolution introuvable. Réflexions sur les événements de mai», paru chez Fayard à l’automne 1968, contient sans doute l’une de meilleures analyses réalisées par un contemporain des faits.


En 2018, des journalistes et des personnalités politiques veulent exploiter le filon. Des participants, survivants de l’époque, rêvent de raconter leurs souvenirs de jeunesse ; des séminaires universitaires seront organisés sur le sujet ; des débats auront lieu. On vendra des produits commémoratifs, des livres, des films et des gadgets. Ce phénomène est incontournable. L’exposition à l’Hôtel de Ville de Paris à la gloire du terroriste et tortionnaire Ernesto «Che» Guevara montre la volonté de la gauche de passer sous silence les horreurs et les crimes du mouvement communiste international.

Personne n’empêchera Daniel Cohn-Bendit de pérorer sur son «Mouvement du 22 mars» et se remémorer sa jeunesse gauchiste, même si ce personnage très trouble est devenu aujourd’hui un «libéral libertaire européen écolo», soutien déclaré d’Emmanuel Macron.

 

Le Mouvement Initiative et Liberté (MIL) considère que les évènements de mai et juin 1968 ne devraient faire l’objet d’aucune «commémoration officielle» de la part de l’exécutif et témoigne de son inquiétude suite aux rumeurs d’une possible mise en scène du cinquantenaire par Macron.


Le Mouvement Initiative et Liberté (MIL) juge que le mois de mai 1968 est une période complexe issue de la résultante de phénomènes divers dans le contexte politique et sociétal de l’époque.


Dans le cadre de l’explosion quantitative des effectifs étudiants dans un système peu préparé à cette évolution, la mobilisation d’une mouvance universitaire contestataire, autour de l’UNEF (organisation étudiante) et du SneSUP (syndicat enseignant), s’est développée pour mettre en cause l’«Université».


Dans le contexte d’une période économique faste, des centrales syndicales (CGT et CFDT) ont trouvé l’occasion de porter de fortes revendications afin d’obtenir des avantages sociaux.


Après 10 ans dans l’opposition, des responsables politiques socialistes de la IVème république, François Mitterrand et Pierre Mendes-France, ont cru trouver une occasion de revenir au pouvoir.

Dans le contexte international de la guerre froide, le Parti Communiste Français (PCF) a joué de tout son poids pour répondre à la logique de l’Internationale communiste (c’est-à-dire des dirigeants de l’Union soviétique). Le PCF disposait d’un appareil politique très solide, d’organisations de masse et d’un poids électoral réel (Jacques Duclos, communiste, obtint plus de 21% des voix à la présidentielle de 1969 !). Il se raconte même, qu’un soir, certains du PCF sont rentrés dans la clandestinité.

À la fin des années 60, s’était formalisée l’existence de groupes marxistes «gauchistes», c’est-à-dire de communistes contestant par sa gauche le rôle dominant du PCF. Disposant d’un important potentiel militant, ces groupes développaient une stratégie de prise de pouvoir hors de la voie démocratique et appelaient à une insurrection. Ils bénéficiaient du soutien de pays étrangers (surtout celui de la République Populaire de Chine, dirigée à cette époque par Mao Tsé-Toung). Cette situation préexistante à mai 68 était due à un «effet de mode idéologique» porté par de nombreux intellectuels marxistes français, critiques à l’égard du régime soviétique et donc du PCF. Rappelons que le «gauchisme» avait été défini, dès 1920, par Lénine, lui-même, comme «La Maladie infantile du communisme».


Trois tendances «gauchistes» coexistaient.


Les trotskystes :

A. de la Fédération des étudiants révolutionnaires et de l’Organisation communiste internationaliste (OCI) (lambertiste) ;

B. de la JCR (Jeunesse communiste internationaliste) et du Parti communiste internationaliste (future «Ligue communiste» avec Alain Krivine, puis à l’origine du NPA) ;

C. «Voix ouvrière» (Lutte ouvrière).


Les maoïstes du Parti communiste marxiste-léniniste de France (PCMLF) et de l'Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes (UJCML), qui étaient soutenus par la Chine populaire qui prônait, à cette époque, «l’exportation de la révolution». Rappelons que ces militants distribuaient gratuitement dans les lycées et les facs le «Petit livre rouge», imprimé en Chine.


Les anarchistes libertaires du «Mouvement du 22-Mars» et de divers autres groupes.


Rappelons également que le «Mai 68» français n’a rien de commun avec les mouvements contestataires survenus dans d’autres pays comme aux États-Unis (contre la guerre au Vietnam) ou en Tchécoslovaquie (pour un retour à la démocratie). La simultanéité des évènements ne correspond ni à un même contexte ni à un même objectif. Il faut se défier de toute confusion entre ces événements historiques à cause de leur simultanéité.


Le Mouvement Initiative et Liberté (MIL) considère que ces différentes forces de gauche et d’extrême gauche, politique et syndicale, se sont engagées dans une tentative insurrectionnelle. Elles ont organisé des actions dans le but de renverser les institutions démocratiques de la 5ème République. Cet aspect profondément antidémocratique des actions révolutionnaires menées durant le mois de mai 68 peut illustrer le détournement possible des libertés publiques par des partisans d’un projet totalitaire, en l’occurrence l’installation d’un régime communiste. Le recours à la violence et l’intimidation vis-à-vis des citoyens et des agents de l’État ont bloqué le fonctionnement du pays, ont porté atteinte à l’intérêt national, jusqu’à la décision du général de Gaulle de dissoudre l’Assemblée nationale à la fin mai :


« Quant aux élections législatives, elles auront lieu dans les délais prévus par la Constitution à moins qu'on entende bâillonner le peuple français tout entier en l'empêchant de s'exprimer en même temps qu'on l'empêche de vivre, par les mêmes moyens qu'on empêche les étudiants d'étudier, les enseignants d'enseigner, les travailleurs de travailler. Ces moyens, ce sont l'intimidation, l'intoxication et la tyrannie exercées par des groupes organisés de longue main, en conséquence, et par un parti qui est une entreprise totalitaire, même s'il a déjà des rivaux à cet égard. » (Allocution du 30 mai 1968 du général de Gaulle)


Le Mouvement Initiative et Liberté (MIL) rappelle la réponse constructive apportée par le général de Gaulle, et le gouvernement du Premier ministre, Georges Pompidou, face à la contestation :


« Tout le monde comprend, évidemment, quelle est la portée des actuels évènements, universitaires, puis sociaux. On y voit tous les signes qui démontrent la nécessité d'une mutation de notre société. Mutation qui doit comporter la participation plus effective de chacun à la marche et au résultat de l'activité qui le concerne directement. » (Allocution du 24 mai 1968 du général de Gaulle)


Le mouvement gaulliste (Union pour la Défense de la République – UDR) et ses organisations (Service d’Action Civique, Comité de Défense de la République, Union des Jeunes pour le Progrès, etc.) ont su mobiliser, en quelques jours, les Français pour réussir la manifestation monstre du 30 mai 1968 sur les Champs-Elysées. Cette journée a marqué la reconquête de la rue par les gaullistes. Puis, le parti gaulliste a réussi, le 30 juin 1968, à obtenir seul une majorité absolue à l’Assemblée nationale et constitué, au travers de ses alliances, une majorité de près de 400 députés contre 91 pour les socialistes et le PCF. Ces succès de l’action civique mériteront d’être commémorés en mai et juin 2018. Les efforts pour sauver la France, de tous les acteurs de l’époque (responsables et militants gaullistes), devront être reconnus et honorés à cette occasion.


Le Mouvement Initiative et Liberté (MIL) dénonce, aujourd’hui, la tentation «romantique» de militants d’extrême gauche et d’ultra-gauche de rejouer en mai 2018 une répétition de mai 1968. Ce projet fait rêver ces mouvances et des tentatives subversives peuvent apparaître. Elles seraient alors dirigées, d’une part, contre Macron, et d’autre part, contre les institutions et les services de l’État, notamment la police, la justice et l’armée. Le potentiel militant d’une telle aventure existe parmi les «insoumis», les anarchistes libertaires, les zadistes de tous poils, les trotskystes, etc.


Le Mouvement Initiative et Liberté (MIL) juge que l’addition des mécontentements à la politique menée par Macron (travail, pouvoir d’achat, impôts, taxes, retraite, universités, quartiers, etc.) doit être pleinement et fortement incarnée par la droite républicaine, dans le cadre des institutions. Il s’agit là d’une condition pour que la contestation qui envahit progressivement le pays ne puisse pas être récupérée par la gauche-extrême ni par la droite-extrême.



LES JEUNES GAULLISTES DANS LES ANNÉES 60

par Suzanne GUGGENHEIM-MARTON

plus jeune membre du comité politique de l'UDR (1966), Membre fondateur et secrétaire général de l’UNI

 

« Je suis un Français libre, je crois en Dieu et en l’avenir de ma patrie, je ne suis l’homme de personne, j’ai une mission et je n’en ai qu’une celle de poursuivre la lutte pour la libération de mon pays. Je déclare solennellement que je ne suis at­taché à aucun parti politique ni lié à aucun politi­cien quelque il soit, ni du centre, ni de la droite ni de la gauche, je n’ai qu’un but délivrer la France. » Ce texte, véritable profession de foi, est extrait du communiqué de presse que le général de Gaulle remit à la presse locale lors de son arrivée au Caire en 1941.


Il décrit en peu de mots ce qui, vingt ans plus tard, représentait encore pour bien des jeunes des années 60 l’attrait du mouvement gaulliste. Pour les jeunes, le général, humaniste, philosophe, vi­sion­naire était la personnification même de la vraie tra­dition française. Le vrai représentant de la gran­deur de la France, de cette certaine idée de la France que dans notre modestie nous considérions en­core comme le fleuron de la civilisation occi­dentale. Vivant depuis maintenant plus de vingt années hors de France, je ne suis certes pas la mieux pla­cée pour vous faire un exposé historique sur la jeunesse gaulliste des années 60. Ceux qui sont dans la salle en connaissent certainement autant, que ce soit par expériences vécues ou par la lec­ture. En France, vous baignez dans l’histoire tandis que moi, sans document ni pièces de réfé­rences, je ne peux parler que d’expérience et de mémoire.


Mon premier souvenir est l’arrivée du général de Gaulle en 1958 qui souleva un immense espoir dans la jeunesse.


Le suivant, ce fut l’entrée en faculté, Science-Po et droit en 1963 avec, je crois, mon ami Pierre Ha­bib-Deloncle. Je crois que nous étions de la même promotion. Dès les premiers jours en faculté, on se trouvait immédiatement confronté à la main­mise idéologique sur nos universités et à l’étranglement des opinions divergentes. Un jeune gaulliste à forte conviction ne pouvait pas ne pas vouloir réagir et défendre sa liberté d’expression ou au moins celle de ceux qui tentaient de défendre des positions non conformes.


Pour beaucoup, c’est l’origine du combat que nous fûmes appelés à mener en tant que jeunes gaullistes dans les années 60. Contre la mainmise totalitaire de l’appareil communiste et la montée de l’extrême gauche trotskiste et maoïste, les seules voix qui se faisaient parfois entendre étaient celles de groupuscules d’extrême droite, violents, intolé­rants, qui n’avaient rien de plus alléchant à propo­ser contre l’oppression marxiste à laquelle nous essayions d’échapper. La seule autre possibilité chez les étudiants, c’était les corpos, faibles et im­puissantes, lorsqu’elles n’étaient pas tout à fait à gauche.


A la recherche d’aide, je me retrouvais un jour à l’UNR, boulevard St Germain. J’y constatais l’absence totale de structure d’accueil pour les jeu­nes. C’était fin 1963, donc quelques années en­core avant la création de l’UJP. Devant mon insis­tance qui ne se relâchait pas, j’assiégeais tous les jours les bureaux de l’UNR. On me renvoya finale­ment sur la permanence locale du quartier latin au 5 rue Cujas, permanence historique de René Ca­pitant. Avec l’appui de Pierre Bas et Jean Tibéri, un petit groupe se retrouva pour donner naissance à l’Action étudiante Gaulliste, l’AEG. De tendance modérée au début, elle fut assez rapidement prise en main par les gaullistes de gauche et surtout lors de la création un an plus tard de l’UJP et à laquelle elle fut intégrée comme nous l’a rappelé Paul Aurelli. Peu à peu, une tendance plus à droite émergea en réaction. Ce fut le début de luttes intestines sans fin entre les étudiants parisiens de l’AEG, confron­tés à la réalité du terrain universitaire, et ceux que nous appelions les politiques de l’UJP, qui enten­daient le terme de progrès dans sa signification la plus pro­gressive. J’ai eu la chance, pour des raisons que je ne m’explique toujours pas, de recevoir tout au long de ces années le support de Jacques Cha­ban-Delmas alors président de l’Assemblée natio­nale. C’était sans doute plus une reconnaissance de ca­ractère que de représentativité. À l’initiative de Cha­ban-Delmas, je me retrouvais dès 1964 la première représentante des jeunes au conseil na­tional de l’UNR et donc sa benjamine. Grâce à son appui très solide au cours des années qui suivirent, ainsi que ceux d’André Fanton, Gabriel Kaspereit, nom­bre d’autres députés parisiens, dont Michel Habib-Deloncle, notre voix put toujours être enten­due à l’UNR bien que l’UJP fut considérée comme l’organe officiel de représentation des jeunes. De nombreuses querelles parsemèrent nos relations houleuses. L’AEG essayait d’être présente sur le ter­rain des facs et de former des cadres alors que l’UJP se voulait plus un organe de réflexion. Je dois dire que la Corse a toujours été une exception dans toutes les organisations. C’est vrai que nous avions dans nos AG beaucoup de représentants parmi les plus actifs de nos amis corses. Les étu­diants voulaient aussi participer directement à la vie de l’UNR via les sections de quartiers, c’est ainsi que de mon côté je participais à la section du 16ème arrondissement dont le député était Michel Habib-Deloncle. Nous eûmes des campagnes électorales agitées, ayant évidemment dans le 16ème plus à faire à l’extrême droite qu’à l’extrême gauche mais la violence était celle qui caractérisait les relations à cette époque.


En juin 1967, l’UJP précisa officiellement sa position (d’après mes notes manuscrites de l’époque), elle voulait représenter la tendance jeune du gaullisme alors que l’UNR ne représentait qu’une des tendances adultes du gaullisme. Ce n’était pas la guerre des classes mais celle des générations. Le bureau national précisa : «nous refusons la tu­telle de qui que ce soit, nous refusons l’armature qui contraindrait l’UJP à prendre des positions pa­rallèles à celles de l’UNR. Nous refusons absolu­ment de servir à l’intérieur du cadre que l’on pré­tend nous imposer ». Pour moi comme pour d’autres, cette réunion fut la consécration de la rup­ture. J’avais de plus en plus l’impression que l’on se trompait de combat, que l’on s’agitait en vain et qu’il fallait changer de terrain. Alors que l’AEG continuait à être en proie à des crises permanen­tes, certains d’entre nous commencèrent à recher­cher de nouvelles formes de militantisme.


Il était évident qu’il nous fallait trouver des moyens de résister. L’exemple que nous avions à Science-Po était très typique parce que plusieurs des étudiants gaullistes s’étaient fait clairement ex­pliquer qu’ils n’avaient aucune chance de devenir diplômés de Science-Po en raison de leur apparte­nance gaulliste. Je fis partie de cette brillante élite et nombre de nos amis furent dans la même char­rette.


Le moyen le plus efficace de travailler dans les facs passait désormais par la prise de responsabi­lités dans les organismes de représentation syndi­cale des étudiants. Que ce soit dans les facultés comme à Science-Po ou en droit, ou au niveau ré­gional comme la fédération des étudiants de Paris. Ce fut là l’occasion de nouer des contacts avec les anciens ennemis d’extrême droite, de commencer à trouver parmi ceux qui avaient l’esprit le plus ou­vert et accepter l’idée que l’heure de la réconcilia­tion s’approchait entre ceux qui nous avaient quitté après la guerre d’Algérie mais dont les aspirations se rapprochaient des nôtres. C’est parmi eux que nous fîmes connaissance à l’époque d’Alain Made­lin, de Gérard Longuet, de Patrick Devedjian qui se rapprochèrent plus tard de façon signifiante du mouvement gaulliste. Enfin en 1967 et au début de 1968, pas une semaine ne se passait sans confrontations non seulement verbales mais de plus en plus physiques avec une extrême gauche de plus en plus active et décidée à occuper le ter­rain. Je me souviens avoir passé plus de journées à assiéger les bureaux des secrétaires généraux de l’UNR, le bureau de Chaban-Delmas et des dirigeants pro­ches de nous comme Jean Duchet ou Alain Griot­teray qu’à préparer mes examens. J’essayai de convaincre mes interlocuteurs de deux points prin­cipaux. Le premier était l’urgence de réagir sur le terrain avant qu’il ne soit trop tard et qu’une vio­lence incontrôlable n’éclate, la seconde était la né­cessité via l’amnistie de récupérer la frange de la droite qui était la plus proche de nous. Le soutien à mes pro­positions augmentait, j’avais même réussi à convaincre le secrétaire général de l’UNR, Jean Charbonnel, qui pourtant n’était pas spécialement connu comme un gaulliste de droite.


Mais les choses n’avançaient pas au rythme qu’il aurait fallu. Nous étions un petit courant face à une subversion qui, sous nos yeux, s’organisait et se renforçait de jour en jour. La violence montait vite dans une indifférence générale. «La France s’ennuie» titrait Le Monde en première page avant que n’éclatent les premières émeutes de mai 1968. Oui, la France était prospère et ne souhaitait pas se soucier de ce qu’elle prenait au mieux pour une poignée insignifiante d’agités mais bien plus sou­vent pour des précurseurs pas très adroits d’idées nouvelles et intéressantes. Les journées de mai 68 sont gravées de façon indélébile dans la mémoire de tous ceux qui les ont vécues activement.


Pour ma part, sans doute inconsciente, je pas­sais la première semaine barricadée avec une poi­gnée d’étudiants dans les locaux de la FEP, rue monsieur le Prince, à cinquante mètres des barri­cades du boulevard Saint Germain. Nous avions mis des drapeaux tricolores aux fenêtres, bientôt les grosses armoires et fichiers métalliques durent remplacer les carreaux cassés pour nous protéger des projectiles. Dans la journée, nous faisions quelques sorties furtives pour aller aux nouvelles et essayer de distribuer des tracts mais nos rangs s’éclaircissaient, nos ressources s’épuisaient, le papier et l’encre disparaissaient. De jour en jour, lorsque j’allais à la recherche d’aide et de renfort, je trouvais plus de portes closes, de bureaux fermés, de ministères vides et des responsables atterrés et apeurés. Il fallait se rendre à la raison, l’aide n’allait pas venir.


Au bout de mes ressources habituelles, je dé­cidais d’essayer de me rendre au secrétariat géné­ral de l’Elysée pour les affaires africaines et malga­ches et demandais à voir Jacques Foccart. Pour nous, jeunes gaullistes, Jacques Foccart était le plus haut symbole du gaullisme et l’accès vers le général de Gaulle. Jamais jusque-là je n’avais eu d’autres contacts avec Jacques Foccart que des rencontres non personnelles lors de diverses ré­unions et assemblées de l’UNR. Il était une per­sonnalité bien trop impressionnante pour une jeune étudiante et je n’aurais jamais imaginé avoir l’audace d’aller le voir ainsi. Mais nécessité fit loi, il n’y avait plus personne vers qui se tourner. Quelle ne fût pas ma surprise après avoir trouvé là aussi des bureaux vides, d’être reçue par Jacques Foc­cart lui-même. Après m’avoir écouté avec le plus grand sérieux, il m’orienta sur un groupe de ses collabo­rateurs dont Pierre Debizet, Jean Mauri­cheau-Beaupré et Philippe Lettéron. Ce fut là le dé­but de nouvelles amitiés et d’une toute nouvelle page pour nombre d’entre nous dans cette salle et pour ceux que je considère comme la part la plus pure de la jeunesse gaulliste militante d’alors.


Tout d’abord pour commencer petit, nous eû­mes enfin une aide concrète, faible en montant mais extrêmement efficace en ce mois de mai ou le courage comme les ressources se faisaient rares. Du papier et de l’encre pour faire tourner nos ro­néos, un peu d’essence pour mon solex, denrée très précieuse à une époque où il n’y avait plus de transports en commun et où les pompes à essen­ces étaient fermées. Quelques renforts pour aller essayer de recruter aux alentours des cours des mi­racles qui émergeaient à travers le quartier latin. Ai-je besoin de dire que c’est au Service d’Action Civi­que, rue de Solferino, dernier bastion du cou­rage, que l’on m’orienta pour aller chercher de l’aide. C’est là que je rencontrais sans doute pour la pre­mière fois Henri Mazoué et Charles Pasqua que j’avais déjà vus sans doute à d’autres réunions au­paravant. Après une participation active à tous les évènements de mai et juin 1968, nous n’étions guère prêts à retourner à nos chères études comme si de rien n’était. La terreur marxiste étouffait plus que jamais nos universités et nos lycées.


Après différentes tentatives d’organisation, nous en arrivâmes à envisager la création d’un mouvement à structure, but et méthodes d’actions totalement différents de ce qui avait existé jusqu’alors. La défense de notre civilisation et la lutte contre la subversion sous toutes ses formes seraient le but de toutes ses actions. Le réel militan­tisme en serait la fondation, aucun parti politique ne lui dicterait sa conduite, non pas une simple at­titude défensive mais une véritable contre-offensive en se­rait l’objectif. Ce fut la création de l’Union In­ter-Uni­versitaire (UNI). Tout au long de ces efforts, Jac­ques Foc­cart nous prêta toujours une oreille atten­tive et nous assura de son support permanent et bienveillant.


La bonne nouvelle c’est que nombre de ceux qui furent à l’origine de cet effort ou de ceux qui s’y joignirent par la suite sont toujours ici fidèles à la tâche qu’ils s’étaient fixés. La mauvaise nouvelle, c’est que la tâche n’est guère achevée. Le péril est toujours là visant toute notre civilisation occiden­tale. Nous pouvons et nous devons être fiers d’avoir ac­tivement contribué à empêcher la main­mise totali­taire sur la France en 1968 et dans les années qui suivirent. Certes l’ennemi a changé de visage, le communisme sous sa forme tradition­nelle n’est plus la menace qu’il était. En grande partie, ose­rais-je le dire devant cette audience, grâce à la vi­sion et à l’audace d’un autre de mes héros, Ronald Reagan - fait peu connu en France - par sa maî­trise du verbe et de l’idée, était compa­rable à celle du général de Gaulle ou de Jacques Rougeot. Grâce en grande part à sa résolution non seule­ment en paroles mais en actes, l’empire du mal fut vaincu ce qui permet entre autre à l’Europe au­jourd’hui de célébrer sa réunification. Mais vous le savez aussi bien que moi, le dragon a mille têtes, notre civilisation fait toujours face à un péril mortel. Sur le péril intérieur, en France comme dans tous les pays occidentaux, le combat se poursuit sur les mêmes fronts : l’éducation, la justice, l’environnement, la perversion sociale de notre mode de société, attaques contre la famille, le ma­riage, le respect de la vie, la religion. La similitude des thèmes et des modes d’attaques est vraiment frappante. Vous pouvez choisir votre terrain de combat favori, il n’y a guère de répit. Sur le plan in­ternational, le terrorisme est certainement rede­venu l’arme favorite de la subversion. Utiliser la peur pour soumettre est une vieille tactique. L’intégrisme mu­sulman, entretenu longtemps par les différentes tendances marxistes, en est devenu le grand maî­tre. Si l’Amérique personnifie actuel­lement pour eux l’ennemi numéro un à détruire, vous savez aussi bien que moi que s’ils y parve­naient, la France ne serait pas loin derrière. Alors pendant qu’il est en­core temps, je vous appelle à l’union. Sachons, à nouveau, reconnaître et affir­mer qui sont nos amis, et nos ennemis et faire front à l’unisson contre l’ennemi commun quel que soit le masque derrière lequel il se présente.


(Intervention lors d’un colloque organisé le 19 janvier 2002 par l’association «Les Amis de Jacques Foccart») 

  

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