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Une communication du MIL

CHARLES PASQUA, DIX ANS DÉJÀ


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Il y a dix ans, le 29 juin 2015, Charles Pasqua succombait à l’âge de 88 ans. Son plus proche collaborateur, Pierre Monzani, retrace la destinée politique et l’influence actuelle de l’ancien ministre de l’Intérieur. Repris de Valeurs Actuelles du 29 juin 2025

 

Valeurs actuelles. Dix ans après son décès, pourquoi Charles Pasqua demeure-t-il toujours une figure tutélaire de la droite républicaine ?
Pierre Monzani. Charles Pasqua incarne l’autorité, mais aussi la proximité avec les Français. C’est un homme de rassemblement. Sa vision s’inscrit typiquement dans l’esprit gaulliste. Pour Charles Pasqua, la nation pour être forte, ne doit laisser aucun de ses enfants au bord du chemin. Ce mélange de fermeté et d’attention aux autres, que défendait Charles Pasqua, manque cruellement aujourd’hui à notre classe politique. Malheureusement, quand il y a un manque, il est comblé par un souvenir. C’est ce qui explique toujours la pérennité de la mémoire et de l’héritage politique de Charles Pasqua à droite.

 

Justement, pourquoi Charles Pasqua est-il pris comme modèle par la nouvelle génération d’élus de droite ?
Les figures tutélaires renvoient au vide de notre société. Pourquoi Charles Pasqua manque-t-il tant à la droite républicaine ? Premièrement, Charles Pasqua méprisait le politiquement correct et avait cette capacité de parler-vrai en toute circonstance. Deuxièmement, il avait cette obsession constante de l’autorité. Une autorité exercée sans haine et sans complexe. Troisièmement, pour lui, la politique devait avoir une dimension humaine. Il me disait toujours : «Ne faites pas de politique et d’administration publique, si vous n’aimez pas les gens». C’est donc cette nostalgie et ce besoin d’une France forte, qui portent le souvenir de la figure de Charles Pasqua.

 

Lutte contre l’immigration clandestine, débat sur l’identité nationale, union des droites… Les idées pasquaiennes infusent toujours dans le débat public. En quoi a-t-il été visionnaire sur les défis politiques de notre temps ?
Charles Pasqua est avant tout un gaulliste. Son engagement politique est né dans l’enracinement de la Résistance. C’est-à-dire la volonté de rassembler autour de l’amour de la France. Mais surtout, un amour véhiculé sans haine. Les élus, qui aujourd’hui, se revendiquent du gaullisme en portant un discours de haine, n’ont rien compris aux valeurs de la France Libre. Dans le contexte actuel, pour un homme comme Charles Pasqua, tout déficit de l’autorité de l’État appelle à des solutions fermes et sans complexes. C’est sans doute cela, je dirais, la marque Pasqua.

 

Comment résumeriez-vous le mantra sécuritaire de Charles Pasqua ?
La vision de l’État de Charles Pasqua se résume de la manière suivante : «Un bon régime tient les hauts et laisse vivre les bas». C’est-à-dire l’autorité, l’affirmation du régalien et l’application de sanctions immédiates et fermes pour ceux qui ne respectent pas l’ordre public. Pour Charles Pasqua, cela induisait une défense farouche de la France dans le monde et de la francophonie. Son maître-mot est la liberté pour tous et surtout «d’arrêter d’emmerder les Français». Malheureusement, aujourd’hui, c’est l’inverse. Les politiques tentent de régenter le bas par la contrainte, faute de pouvoir agir sur les hauts.

 

En 2002, Charles Pasqua a tenté de se présenter à l’élection présidentielle. Quelles étaient alors ses principales mesures pour redresser la France du déclin ?

Il faut relire ses deux ouvrages programmatiques, écrits dans le cadre du lancement de son mouvement «Demain la France», dans les années 1990. Ces essais sont prémonitoires. Il y a écrit ce qui hélas adviendrait de la France dans l’avenir : la désindustrialisation, la crise de la ruralité, l’abandon des souverainetés, le renoncement à l’aménagement du territoire, le risque social des banlieues. Bref, le danger d’une France laissée aux vents changeants du court-termisme. Charles Pasqua était opposé à ce fatalisme. Tous ces sujets ont été au coeur de son action politique, notamment lors de ses passages au ministère de l’Intérieur, pour préparer l’avenir du pays et avec la volonté d’agir pour changer les choses.

 

Pourquoi le gaullisme est-il la valeur cardinale de l’engagement politique de Charles Pasqua ?
Il se méfiait du monde de l’argent. Il avait horreur des snobs et des parvenus. Son gaullisme est celui de l’authenticité, de la fierté de ses racines et de ses origines modestes. Pour Charles, une vocation politique sincère n’est pas conciliable avec l’enrichissement personnel. Son gaullisme est avant tout un rapport au peuple. Ce rapport charnel aux Français est la clé du maintien de l’État et de la nation. Il était prêt à tous les sacrifices pour la patrie. Son gaullisme le transcendait. Son engagement dans la résistance est révélateur de la personnalité de Charles : il était prêt à mettre sa peau au bout de ses idées. Son gaullisme était celui du grand compagnonnage, de tous ceux qui ont risqué leur vie pour la France. Sa fidélité au général de Gaulle était équivalente à celle d’un grognard pour l’Empereur.

 

Roger Frey, Raymond Marcellin, Michel Poniatowski... Parmi tous les ministres de l’Intérieur de droite de la Ve République, ses deux passages à Beauvau sont les plus marquants. Comment expliquez-vous cette pérennité de l’héritage de Charles Pasqua au ministère de l’intérieur ?
Ses deux passages sont marqués d’une reconnaissance et d’une estime pour ses prédécesseurs. Charles a laissé son empreinte, car il était très professionnel dans l’exercice de sa fonction, s’est entouré de collaborateurs compétents et a traité avec beaucoup de rigueur les sujets liés à sa sécurité. Il était fier d’exercer cette fonction. En républicain convaincu, il y avait chez lui cette émotion d’ancrer ses pas dans ceux de Georges Clemenceau. Pour autant, il n’a pas cherché à se prendre pour lui, ni même à lui ressembler. En tant que ministre, il n’a jamais douté du fait que la sécurité est la première des libertés. Pour lui, on ne négocie pas avec les voyous, on doit combattre ces marginaux et faire régner l’ordre en toute circonstance. Il avait également une affection sincère pour les forces de l’ordre, qu’il considérait et prenait plaisir à rencontrer sur le terrain.

 

La préservation de l’identité nationale est un sujet éminemment d’actualité dans la classe politique. Charles Pasqua a été l’un des précurseurs de ce combat politique. À l’inverse d’une Marine le Pen ou d’un Éric Zemmour, qu’est-ce-qui caractérise la vision identitaire de Charles Pasqua ?
La France est un pays rassembleur. Une nation accueillante et exigeante à la fois. Pour lui, le plus important est de chanter la Marseillaise et de le faire avec son coeur. Si vous êtes un étranger qui aime sincèrement la France, s’en approprie la culture et en revendique les valeurs, alors vous êtes le bienvenu. En revanche, Charles Pasqua était opposé aux profiteurs et à tous ceux qui crachent sur le pays. La France de Charles Pasqua est celle du rassemblement des volontés, désireuses de donner un nouvel élan à leur nation.

 

Charles Pasqua a été la Némésis de la gauche pendant de très nombreuses années. Encore aujourd’hui, même dix ans après sa mort, il est diabolisé et conspué par le camp du bien. Leur manquerait-il ?
La gauche a toujours su diaboliser le débat public. Pourquoi présenter Charles Pasqua, comme un monstre «d’extrême droite» ? Tout simplement, il a été beaucoup plus proche du peuple, que le PS ne l’a été. Il était beaucoup plus soucieux des questions sociales que la gauche elle-même. Quand un adversaire politique vous dérange, c’est toujours plus simple de le diaboliser. Je remercie la gauche de lui avoir accordé un tel hommage.


La vie du préfet Pierre Monzani est intiment liée à celle de Charles Pasqua. Leur première rencontre remonte à 1994, date à laquelle le ministre de l’Intérieur le nomme au poste de conseiller sécurité, dans son cabinet. Leur aventure commune se poursuit dans les Hauts-de-Seine. Pierre Monzani devient alors son conseiller technique à la présidence du département. En 1999, il s’engage dans l’aventure du Rassemblement pour la France (RPF). Membre-fondateur du mouvement, il en devient le secrétaire général adjoint au cours de la campagne des Européennes de 1999. Secrétaire général du groupe Union pour l’Europe des nations (UEN) au Parlement européen, il prend la direction du pôle universitaire Léonard de Vinci, que Charles Pasqua a lui-même fondé avec Christian Labrousse. L’ancien locataire de la Place Beauvau, désireux de se présenter à l’élection présidentielle de 2002, le sollicite pour récolter les parrainages d’élus nécessaires à sa candidature. Dans les années 2010, empêtré dans une série de déboires judiciaires, Charles Pasqua peut compter sur la fidélité de son ami pour le soutenir devant les juges. En 2015, à la demande des petits-enfants de Charles Pasqua, Pierre Monzani prononce l’horizon funèbre de l’ancien ténor de la droite, en la cathédrale Saint-Louis des Invalides.

Pierre Monzani est intervenu à la XVII° Convention Nationale du MIL de 2007